Le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises

L’Union européenne a traditionnellement limité ses interventions en droit des sociétés à trois objectifs : assurer une protection minimale des tiers et des associés, établir des formes de sociétés de droit européen (Societas Europaea, Société coopérative européenne) et développer une réglementation des opérations transfrontalières.
Cette situation a commencé à changer à la suite de la grande crise financière de 2008. La Commission est alors devenue plus active en matière de Responsabilité sociale d’entreprise (RSE) ou, en anglais, de Corporate Social Responsibility (CSR). Néanmoins, les mesures sont restées limitées à des recommandations ou à des dispositions contraignantes mais de simple transparence et ciblées sur certains domaines sensibles et sociétés, les « entités d’intérêt public », au nombre desquelles celles dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé.
Depuis 2018, soit avant la crise du Covid-19, une nouvelle poussée réglementaire s’est produite dans la « finance verte » et la « gouvernance durable » des entreprises. C’est dans ce cadre qu’a été introduite, au titre du droit des sociétés, une proposition de directive du 23 février 2022 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité2. Il s’agit d’un texte d’une ampleur inégalée en matière de droit des sociétés puisqu’il contient des dispositions en matière d’intérêt social, de devoir de diligence des administrateurs (duty of care) et des dispositions de portée extraterritoriale. En fait, la proposition de directive CSDD (Corporate Sustainability Due Diligence) fait partie d’un ensemble de textes destinés à rendre les sociétés européennes plus « durables », comme par exemple la proposition de directive du 21 avril 2021 sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.