Abstract :
[fr] Notre intervention entend s’intéresser au défi lancé, par Patrice Chéreau, à la
représentation. L’intimité proprement corporelle, définitoire de son esthétique, s’avère, par
définition, invisible et irreprésentable. Tel est le point focal des recherches de Valérie Nativel.
Soutenue en 2012, la thèse de doctorat de cette dernière part de la décennie 1980, et plus
spécifiquement de l’année 1983, point de bascule dans la carrière artistique de Patrice Chéreau.
En effet, le choix de cet artiste d’inaugurer le Théâtre des Amandiers à Nanterre par Combat de
nègre et de chiens de Bernard-Marie Koltès paraît hautement significatif. De facto, rencontrer
un auteur contemporain, — créateur d’une dramaturgie subjective et capable de mettre en mots
la complexité des relations entre les individus —, va, en miroir, permettre à Patrice Chéreau de
proposer un dépouillement scénique par le biais d’un plateau nu, témoin d’un deuil du visible.
Ce dispositif scénique bifrontal apparaît privilégié pour les corps actoriaux, pris dans un espace marginal et inhabitable, autrement dit, un no man’s land ou « non-lieu ». Ce parti pris produit
instantanément un impact sur le spectateur lequel se retrouve ainsi intrus et voyeur.
Nous verrons que le spectacle Phèdre de Jean Racine, donné en 2003 aux Ateliers
Berthier, constitue un cas emblématique de la proximité érotique et de l’intimité corporelle des
acteurs. Du secret des répétitions en huis-clos avec les comédiens aux représentations face à
un public installé dans et aux prises avec un dispositif bifrontal induisant autant la proxémie
que la distance, Patrice Chéreau s’évertuera à séduire.