Abstract :
[fr] Auteur d’un Livre des orateurs (1836) resté fameux, où il décrit avec un sel tout attique les heurs et malheurs de l’éloquence se déployant à l’hémicycle, de la Révolution à la monarchie de Juillet, Louis de Cormenin a également laissé une œuvre pamphlétaire majeure, ouverte avec ses Lettres sur la liste civile (1832), et se poursuivant jusqu’à l’aube du Second Empire. Investissant l’écritoire plus volontiers que la tribune, Cormenin devait tenir à l’un comme à l’autre un discours polémique cohérent, plaidant pour la justice sociale, pour l’avènement du suffrage universel, pour une représentativité nouvelle, et enjoignant le régime de Juillet à tenir les promesses faites au peuple rassemblé devant l’Hôtel de Ville de Paris, le 31 juillet 1830. Au même moment, Claude Tillier, pamphlétaire du Nivernais, se livre dans ses écrits – connus de Cormenin, avec qui il entretient une correspondance – à une critique virulente des errements de la France de Juillet, qui a à ses yeux trahi de part en part l’espoir révolutionnaire qui avait porté les Trois Glorieuses. Pour ce faire, il procède également, mais sous des modalités distinctes, à un réinvestissement stratégique de l’imaginaire révolutionnaire, et notamment celui de Quatre-vingt-treize. Il s’agit pour lui de souligner, par contraste, l’inanité du régime né de Juillet, jusqu’à nier, dans un texte au titre éloquent – Non, il n’y a pas eu de Révolution de Juillet – l’idée même d’une rupture survenue avec les Trois Glorieuses. C’est à la façon dont Cormenin et Tillier procèdent au gré de leurs textes à cette instrumentalisation de l’imaginaire révolutionnaire que cet article sera consacré. À la lumière de leurs pamphlets respectifs, il s’agira de déterminer de quelle façon et dans quelle visée les deux pamphlétaires font jouer l’imaginaire révolutionnaire pour mieux appuyer leur propos et défendre – un temps du moins – l’héritage des journées décisives de Juillet.