Article (Scientific journals)
La "furor poetica", une manifestation des troubles du spectre autistique ? Le cas de l'écriture poétique de Simon-Gabriel Bonnot.
Freyermuth, Sylvie
2023In Paradigmes, VI (N°01), p. 11-26
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Keywords :
Troubles du spectre autistique HPI; Cognition; Poésie; Surfonctionnement perceptif; Hypersensibilité; Emotions
Abstract :
[en] La pluralité des approches de la folie (médecine, arts, littérature, philosophie, histoire) rend impossible un consensus définitionnel de ce concept. Néanmoins, d’un point de vue étymologique, qu’il s’agisse de *mania* en grec ou de *furor* en latin, quelques uns des sens communs à ces deux mots sont : le délire prophétique, le transport, l’inspiration. Ces trois dénotations partagent l’idée d’une sortie de soi, hors de son bon sens, à des moments précis. Pour les Anciens, le poète est en effet précipité dans un état second par la puissance avec laquelle les muses possèdent son esprit, comme l’explicite Socrate dans le dialogue *Ion* : "Ainsi la Muse crée-t-elle des inspirés et, par l’intermédiaire de ces inspirés, une foule d’enthousiastes se rattachent à elle. Car tous les poètes épiques disent tous leurs beaux poèmes non en vertu d’un art, mais parce qu’ils sont inspirés et possédés, et il en est de même pour les bons poètes lyriques. […] Car ils nous disent, n’est ce pas, les poètes, qu’à des fontaines de miel dans les jardins et les vergers des Muses, [534b] ils cueillent leurs mélodies pour nous les apporter, semblables aux abeilles, ailés comme elles ; ils ont raison, car le poète est chose ailée, légère, et sainte, et il est incapable de créer avant d’être inspiré et transporté et avant que son esprit ait cessé de lui appartenir ; tant qu’il ne possède pas cette inspiration, tout homme est incapable d’être poète et de chanter." Cette théorie de l’enthousiasme peut s’apparenter synthétiquement à l’orphisme, dans la mesure où Orphée a pu aller, de son vivant, au royaume des morts, en revenir et en garder le souvenir. De la même manière, la croyance en la réincarnation des sectes orphiques néoplatoniciennes permet de concevoir que l’âme du poète a bu à la fontaine de Mémoire (Mnémosyne) et se rappelle ainsi son origine divine. De ce fait, l’art du poète est empreint de la divinité, mais ne peut être compris par les hommes dont l’âme s’est abreuvée au Léthé qui leur a donné l’oubli. Parlant une langue inconnue pour le commun des mortels, le poète orphique est alors maudit et rejeté par ses semblables : il est considéré comme fou. Je ne prétends pas défendre les croyances en la réincarnation des âmes, mais j’établis un parallèle entre l’état du poète possédé par les muses, le souvenir du divin qui habite sa langue causant ainsi son ostracisation, et le statut de fou. Cet article ne s’attache pas à étudier la folie représentée à travers des personnages romanesques, mais à appréhender les textes d’un poète que l’on peut qualifier de « fou » à l’aune des règles normatives corsetant de manière de plus en plus drastique les sociétés contemporaines. Je m’intéresserai donc aux écrits de Simon-Gabriel Bonnot3, poète de 23 ans atteint de troubles du spectre de l’autisme (TSA), Asperger à haut potentiel intellectuel. Mon objectif est de montrer comment l’hypersensibilité propre à cette « pathologie » (le terme est à prendre avec beaucoup de précautions) est source de création poétique. Mon corpus est constitué du premier recueil de poèmes de Simon-Gabriel Bonnot, *Courir dans la chair des murs*, publié en 2016, et de l'avant-dernier paru, *La nuit abolie*, 2020, afin d’introduire dans mon étude une dimension diachronique. Je souhaite explorer toutes les manifestations de l’hypersensibilité du poète, quel que soit le sens sollicité. L’acuité anormalement développée avec laquelle Simon-Gabriel Bonnot ressent son environnement peut constituer, pour le lecteur sans trouble de cette nature, une espèce d’initiation aux propriétés charnelles du monde. Cette expérience sensuelle extrême va de pair, chez le poète, avec l’angoisse douloureuse de la vie et de la mort. En d’autres termes, je voudrais montrer que chez le poète de notre corpus, la *furor poetica* n’est pas le fruit d’une possession par les Muses lors de moments d’inspiration circonscrits, mais un état permanent causé par le fonctionnement différent de son système cognitif. Cette recherche se trouve donc au carrefour de la littérature, de la stylistique, de la médecine psychiatrique et des études littéraires cognitives.
Disciplines :
Life sciences: Multidisciplinary, general & others
Literature
Author, co-author :
Freyermuth, Sylvie ;  University of Luxembourg > Faculty of Humanities, Education and Social Sciences (FHSE) > Department of Humanities (DHUM)
External co-authors :
yes
Language :
French
Title :
La "furor poetica", une manifestation des troubles du spectre autistique ? Le cas de l'écriture poétique de Simon-Gabriel Bonnot.
Publication date :
01 January 2023
Journal title :
Paradigmes
ISSN :
2602-7933
eISSN :
2716-9022
Publisher :
Université Kasdi Merbah, Ouargla, Algeria
Volume :
VI
Issue :
N°01
Pages :
11-26
Peer reviewed :
Peer reviewed
Available on ORBilu :
since 04 March 2023

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