Abstract :
[en] While Civil law is traditionally based on equality between contractors, Consumer protection Law was built around the notion of unbalanced contractual relationship, the consumer being the weaker party. This study revolves around limitation periods and foreclosure, known to be Civil law mechanisms, and their use and reception by Consumer Law. Is the two year period granted to the professional to seek specific performance likely to be interrupted ? Do negociations revolving around a purchased good’s hidden defects suspend the brief period granted to the consumer to claim for specific performance ? How does French Consumer Protection Law allocate late payment of debts that have been extinguished by the statute of limitations ?
This study consists in systematic analyses of available litigations obtained through courts' Open data. It aims to highlight phenomena such as rules resumption, rules adjustment or rules creation through the problematic of unbalanced, B to C, contractual relationships.
Three sights were fixed for this purpose :
- demonstrating how inadequate Civil Law, Consumer Law and Commercial Law are considering the contractual unbalances inherent to B to C relationships, through some examples of mass litigations (nature of the statute of limitations, commencement date of the limitation period, causes for interruption and suspension of the limitation period, court’s function) ;
- highlighting the lack of strong, unchanging jurisprudence on the subject, at the expense of legal safety and legal rules quality ;
- offering a new, rational model of limitation period for Consumer Law, taking into account the very specific problematics of each parties.
The result of the above study could provide the basis for a reflection on a new Consumer legislation.
[fr] Le régime de l'obligation relève, par tradition, du droit civil. Si le droit de la consommation prévoit des règles spéciales en matière d'information et d'exécution, le régime de l'obligation consumériste n’a pour l’instant pas fait l’objet d’études spécifiques.
Cette thèse aborde la question du régime de l’obligation consumériste au travers de l’exemple de la prescription. Elle s’intéresse à la réception par le droit de la consommation, droit par essence inégalitaire, de la prescription en tant que mécanisme du régime général de l’obligation. Le délai biennal de l'action en paiement du professionnel peut-il être interrompu ? Quels sont les effets des pourparlers sur le court délai de l'action en inexécution du consommateur ? Comment s'impute le paiement d'une dette prescrite en droit de la consommation ? Au-delà de ces interrogations, ce travail s'attache à démontrer l'inadéquation du recours au régime de droit commun dans les rapports consuméristes, mais aussi les conséquences dommageables des solutions actuelles apportées par le droit de la consommation.
Il se propose d'étudier, par une analyse systématique et détaillée de la jurisprudence du fond et de la Cour de cassation, le traitement de la prescription dans les contrats de consommation classiques (action en paiement du professionnel, action du consommateur pour inexécution de ses obligations par le professionnel), et dans les contrats de consommation inversés (action du consommateur en paiement du prix, action du professionnel pour inexécution de prestations non-monétaires du consommateur). Il s’intéresse également à la prescription des actions en nullité et en répétition de l’indu.
L'étude de la jurisprudence accessible et du précontentieux disponible révèle que le consommateur est pénalisé à deux égards :
– l'application des mécanismes de droit commun (computation, interruption, suspension, interversion des délais et prescription présomptive de paiement) alourdit son engagement au lieu de l'inciter à consommer. Elle confère en réalité au professionnel la maîtrise des délais, que celui-ci agisse en qualité de créancier ou de débiteur ;
– la coexistence de plusieurs délais de nature et de régime différents (prescription, prescription présomptive et forclusion) est source de confusion tant pour les parties que pour les juridictions. La comparaison des courants jurisprudentiels des cours d'appel dans le contentieux de masse met en relief des pratiques opposées qui, outre l'enjeu économique important pour le consommateur, privent celui-ci d'un accès égal à la justice.
La démonstration des déséquilibres induits par le régime de la prescription s’accompagne de pistes de réflexions prospectives. Théorisant les pratiques actuelles, l'étude sert de base à la construction d'un modèle raisonné de prescription de l'obligation consumériste et de son régime, fondé sur le traitement différencié des parties.
Faisant supporter au professionnel une obligation de surveillance de ses créances et une obligation d’interrogation du consommateur, le modèle proposé repense les causes d'interruption et de suspension des délais, modifie leur point de départ et change les règles d'imputation des paiements en fonction de la qualité des parties. Il élargit l’office du juge et abandonne le mécanisme de la prescription présomptive de paiement.
Au travers de la prescription consumériste apparaissent alors les premiers traits d’un régime de l’obligation consumériste - dérogatoire, autonome, adapté aux problématiques inégalitaires du droit de la consommation et ouvert à d’autres modélisations, portant par exemple sur les mécanismes de la condition ou de la solidarité.