L’humanité comme vide symbolique : lecture croisée de Emmanuel Kant et de Claude Lefort

Si notre situation symbolique et politique actuelle se définit comme celle de la perte des derniers repères de la certitude, l’idée kantienne d’une histoire universelle, c’est-à-dire d’un dessein de la nature qui guiderait le dessein personnel de chacun, semble au premier abord désuète. Dans un contexte où tout absolutisme axiologique semble impossible, l’idée d’un mouvement sourd et immanent, qui pousserait l’humanité vers « une unification politique parfaite », apparaît comme une croyance datée. Et pourtant, l’opuscule kantien, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, en prenant en compte les particularismes sans renoncer à l’idée universelle d’humanité, est d’une actualité cruciale, parce qu’il relève le défi imposé par la Modernité politique : celui de penser une voie philosophique intermédiaire, entre le Charybde qu’est l’absolutisme axiologique, et le Scylla qu’est le nihilisme. C’est ce que la présente étude voudrait mettre à jour en croisant l’opuscule kantien, avec la philosophie politique de Claude Lefort.