Abstract :
[fr] Le terme de vulnérabilité (zranitelnost) n’apparaît ni dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle (Ústavní soud) de la République tchèque (« Cour constitutionnelle ») ni dans les actes juridiques formant l’ordre constitutionnel de cette dernière. Ceci étant, la prise en compte de la vulnérabilité transparaît à travers l’ensemble du corps juridique dans la mesure où il s’agit d’une propriété qui est consubstantielle à l’homme et qui l’accompagne donc dans l’ensemble de son activité. En effet, être vulnérable c’est être susceptible « de subir des blessures », que ce soit sur le plan physique, psychologique ou social. Puisque le droit protège l’intégrité physique, psychologique et sociale de l’homme de différentes façons, l’analyse de la protection constitutionnelle de la vulnérabilité de ce dernier devrait couvrir le champ matériel très vaste qu’occupent la législation et la jurisprudence en la matière. De plus, lorsqu’il se penche, notamment, sur le travail du juge « ordinaire », le juge constitutionnel est souvent sollicité afin d’examiner la constitutionnalité de ce travail pour des raisons détachées de la préoccupation matérielle à l’origine du litige donné, ce qui rend la recherche en ce domaine particulièrement complexe. Il nous semble donc plus intéressant de concentrer notre étude sur ce qui constitue, selon nous, l’apport spécifique du juge constitutionnel à la protection juridique de la vulnérabilité, à savoir la prise en compte de la vulnérabilité découlant d’une inégalité. A cet égard, l’ordre constitutionnel et la jurisprudence constitutionnelle tchèques consacrent, sous diverses expressions, l’objectif de protection juridique des personnes dont les dispositions naturelles (capacités physiques, facultés psychologiques) ou opportunités sociales sont, à titre temporaire ou permanent, amoindries, ce qui les expose à des « blessures » (physiques, psychologique ou sociales) résultant d’abus de la part d’autrui ou de l’inadaptation du milieu environnant. Les sources de droit constitutionnel tchèque nous enseignent, en effet, que les causes productrices d’une vulnérabilité « naturelle » sont notamment celles liées à l’âge (mineur, personne âgée), à l’état de santé (personne handicapée, personne malade) ou sexe des personnes (femme) tandis que les limites qui s’imposent à un individu du fait de ses opportunités sociales peuvent avoir pour origine sa situation financière (personnes ayant droit à l’aide juridique), sa sous-représentation politique (minorité), son statut professionnel (salarié), son inexpérience professionnelle (consommateur) ou encore un déséquilibre de l’offre et de la demande sur un marché important pour la vie de chacun (locataire). Si certains des exemples précités ont été entièrement forgés dans le prétoire du juge constitutionnel, d’autres disposent d’un ancrage constitutionnel textuel sans avoir nécessairement fait l’objet d’une spécification judiciaire. Il s’agira donc pour nous d’examiner le raisonnement par lequel ce dernier décide, ou refuse, de compenser une vulnérabilité caractérisée par une inégalité réexistante.