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Abstract :
[fr] Partant du constat d’une culturalisation croissante de la consommation de vin, je propose une analyse micro-sociologique de la pratique discursive œnophile contemporaine, au Luxembourg, en me concentrant sur sa normativité inhérente (morale et esthétique) et ses appropriations ordinaires (éthiques et hédoniques). Cette articulation est constituée par la dégustation ‘pour débutant-e-s’, enseignée dans le cadre de la formation tout au long de la vie.
Les catégories d’analyse des food studies sont pertinentes pour tracer l’évolution historique de la pratique discursive œnophile – singularisée, esthétisante et réflexive –, cernée dans sa rationalisation (régulation législative, consolidation scientifique et diffusion médiatique). Ainsi cristallisée, l’œnophilie a entraîné une gouvernementalité de la consommation ; son institutionnalisation concrète, sous la forme de cours du soir étatiques, véhicule une normativité spécifique.
Les publics de cette institution – majoritairement masculins et appartenant à des milieux aisés – font montre de motivations ‘opératoires’ et ‘hédoniques’, actualisant la gouvernementalité et l’orientation intérieure des expériences. Les appropriations de la normativité œnophile véhiculée sont réactives – positives ou négatives : se constatent des recours tactiques à des dispositions ou à des régimes d’action tactique, liées à des différenciations verticales (trajectoire et position sociale) et, surtout, horizontales (milieux, interactions et expérimentations effectuées dans un projet de subjectivation).
Ces dispositions et tactiques font le lien avec les logiques d’actions œnophiles domestiques – actives, stratégiques et hédoniques. En contraste à la normativité œnophile (axée sur le vin), les pratiques discursives ordinaires se déclinent autour de préoccupations liées à la vie personnelle et sociale, avant de se centrer sur le vin. Néanmoins, c’est la canonisation œnophile esthétique qui comporte la matière nécessaire aux subjectivations, fussent-elles appropriées de manière hédonique, égo- et sociocentrée. Transparaît ainsi l’imbrication consubstantielle et flexible entre normes et plaisirs, menant à un empowerment personnel et social (à potentiel majoritairement éthique, mais également distinctif), via l’usage discursivisé d’un aliment.