Abstract :
[fr] Les dix dernières années ont vu fleurir chez les voisins du Luxembourg de multiples projets d’abattage de bovins innovants dans un contexte général de disparition des abattoirs traditionnels. Le Grand-Duché, bien que protégé à ce sujet par sa superficie limitée, compte pourtant, lui aussi, plus que deux abattoirs de bovins encore en activité sur son territoire.
Parallèlement, on assiste à une montée générale des préoccupations en matière de bien-être animal, d’environnement et de circuits-courts un peu partout dans l’Union Européenne qui vient, par ailleurs, de légiférer pour autoriser l’abattage à la ferme.
Une fenêtre d’opportunité s’ouvre donc pour cette innovation au Grand-Duché où de nombreux éleveurs de bovins réclament de pouvoir bénéficier de ce type de technologie depuis quelques années. Le Ministère de l'Environnement, du Climat et du Développement durable du Grand-Duché du Luxembourg, en sa compétence de développement de la biodiversité rurale (notamment via le soutien au pâturage extensif) a donc initié, à partir de l’été 2018, une dynamique de développement d'abattage mobile sur le territoire du Grand-Duché.
Une mission d’accompagnement de ce processus a été lancée en collaboration avec l’Université du Luxembourg, au mois de mars 2020 pour informer les éleveurs ; accompagner le projet dans sa mise en place et son développement ; observer la dynamique ; pointer les difficultés structurelles, mais aussi des leviers d'innovations sociotechniques liés à l'abattage et aider les éleveurs à résoudre les potentiels difficultés du projet.
En outre, cet accompagnement devait nourrir la démarche avec un benchmark des expériences similaires dans les pays limitrophes et d’en tirer des leçons pour le Luxembourg. Les acteurs de 14 projets européens d’abattage à la ferme ont donc été rencontrés et leurs projets finement analysés.
Ce benchmark a permis de mettre en avant les grandes tendances communes de ce type de projet : des dynamiques nécessairement collectives oeuvrant dans des dispositifs collaboratifs soutenus par un sous-groupe de « champions ». Il a aussi été montré que ces projets, loin de se cantonner à de simples remplacements des abattages traditionnels, participent au maintien et au développement d’une agriculture et d’un élevage de proximité, essentiels aux circuits-courts.
Une autre observation saillante de cette comparaison internationale est l’utilisation majoritaire d’une technique particulière pour le protocole d’abattage : l’unité mobile d’abattage (UMA). Cette technique peu coûteuse, simple à mettre en place et à entretenir crée une grande satisfaction chez les éleveurs qui la pratiquent, tant concernant le bien-être animal que pour la création de nouveaux débouchés de commercialisation de leurs produits.
Il a également permis de mettre en garde face aux problème récurrents qui minent ce type de projet : la lenteur des processus, notamment causée par des incompréhensions mutuelles entre les acteurs, et les investissements nécessaires en énergies, en temps et en capitaux.
Sur base de cette comparaison internationale ; en nous appuyant en outre sur une cinquantaine d’interviews d’éleveurs et d’experts, ainsi que sur une revue extensive des littératures scientifiques et techniques, nous discutons les enjeux de cette innovation pour le Luxembourg et concluons notre rapport par des recommandations concrètes pour son développement au Grand-Duché.