[fr] Dans sa préface de 1826 au Génie du christianisme dans les Œuvres complètes, Chateaubriand prend le parti de résumer toute sa vie comme un « combat […] contre les hommes qui abusaient du pouvoir pour corrompre ou pour enchaîner les peuples ». Ce combat se donne à lire de manière magistrale à travers ses pamphlets, et particulièrement dans De Buonaparte et des Bourbons (1814), publié quelques jours avant l’abdication de l’Empereur. Pleinement en prise avec son temps et les questionnements qui lui sont propres dans ce pamphlet qui marque, de son propre aveu, son entrée en politique, Chateaubriand n’en doit pas moins justifier son ingérence, en tant qu’homme de lettres, dans les affaires publiques. C’est à cette fin qu’il met en place une scénographie auctoriale propre à légitimer sa position nouvelle, et impliquant notamment un réinvestissement de l’Histoire mené selon des procédés discursifs singuliers, indices d’un rapport à la temporalité caractéristique d’un auteur qui, plus que tout autre, fut son temps. Quelles sont les modalités esthétiques et poétiques de la scénographie ainsi mise en place ? Comment Chateaubriand instrumentalise-t-il l’Histoire pour appuyer son propos politique, et de quelle façon cela se traduit-il sur le plan esthétique ? Quel est, enfin, l’ethos qui émane du pamphlet ? C’est ce que nous nous appliquerons à déterminer au départ de De Buonaparte et des Bourbons, que l’on comparera à De l’État de la France au mois de mars et au mois d’octobre 1814, pamphlet publié anonymement par Chateaubriand, afin d’attester la continuité et l’originalité des modalités de la posture auctoriale, résolument moderne, du Chateaubriand pamphlétaire. Nous examinerons enfin la réception de la scénographie auctoriale propre au pamphlet au regard de deux écrits parus en réponse à De Buonaparte et des Bourbons, à savoir la Réponse à l’ouvrage de M. de Chateaubriand intitulé « De Buonaparte et des Bourbons » (1814) de Philippe Lesbroussart-Dewaele et les Rêveries de M. de Chateaubriant, ou Examen critique d'un libelle intitulé : « De Buonaparte et des Bourbons » (1815), de Charles-Joseph Bail – écrits révélateurs, par leur publication même, de la résonance, dans le discours politique du temps, du pamphlet et de la figure auctoriale qu’il convoque.